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Taxe carbone aux frontières : quelles évolutions et impacts pour les entreprises ?

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Par Gautier Mulak
mis à jour le 28 févr. 2024

Le 11 décembre 2019, Ursula Von Der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a annoncé les grandes lignes du « Green Deal» européen. Si les États membres de l'UE ont longtemps été divisés à ce sujet, un accord semble se dessiner.

L'annonce d'un ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne tend à résoudre les « fuites » des émissions de gaz à effet de serre. La feuille de route de l'Union européenne pour le climat est ambitieuse : réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 50 à 55 % d'ici à 2030.

Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ferait payer aux produits importés le prix du carbone. L'ajustement carbone aux frontières de l'UE était au programme des dernières élections européennes. Si elle est mise en place, cet accord politique pourrait aider l'Union européenne à atteindre ses objectifs pour le climat tout en uniformisant les règles du jeu pour ses industries nationales.

Qu'est-ce que la taxe carbone aux frontières ?

La taxe carbone aux frontières de l'Union européenne (UE) vise à introduire un prix du carbone sur certains produits, fabriqués par des entreprises situées hors d'Europe - et donc importés. En résumé, la taxe carbone fonctionne comme un droit de douane.

Elle consiste à imposer une surtaxe sur les produits importés dans l'UE. Une surtaxe calculée en fonction des émissions de CO2 provoquées par la production desdits produits. L'objectif principal de la taxe carbone est double : d'une part, protéger l'industrie européenne de la concurrence déloyale des pays dont la réglementation environnementale est moins stricte ; d'autre part, inciter ces mêmes industries à décarboner leurs processus de production. 

Pourquoi mettre en place une taxe carbone aux frontières ?

Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est un moyen de palier aux problèmes du marché carbone européens.

Le marché du carbone européen comme principal outil de la commission européenne contre le réchauffement climatique

L'Union européenne a mis en place le système d'échange de quotas d'émission (ETS) afin de contribuer à sa politique climatique.

L'ETS couvre 40 % à 45 % des émissions territoriales de l'Espace économique européen (EEE).

Chaque entreprise qui émet du CO₂ doit en payer le prix, mais certaines entreprises ont reçu des quotas gratuits en raison de leur compétitivité. Le nombre de quotas gratuits diminue au fil du temps. Pour les secteurs non couverts par le SCEQE, il existe diverses taxes sur le carbone au niveau national.

Les limites du marché carbone

Le marché du carbone de l'Union européenne est ancré dans la coopération industrielle et la fortification d'un marché intérieur, avec pour objectif de minimiser les coûts de réduction pour les industries européennes.

Le problème majeur du SCEQE est son plafond d'émissions non ambitieux et non contraignant de 2005 à 2020. L'allocation de quotas gratuits aux entreprises avait pour but d'empêcher les fuites de carbone liées aux délocalisations d'entreprises, mais elle ne résout pas le problème des émissions liées aux produits importés en Europe. Par conséquent, le SCEQE n'atteint pas ses objectifs, et il doit être réformé pour être plus efficace.

La réforme du marché carbone en cours

Le marché carbone subit une nouvelle réforme pour la phase IV, qui s'étendra de 2021 à 2030. Le taux annuel de réduction du plafond d'émissions est fixé à 2,2 %, contre 1,74 % de la période 2013 - 2020. 

L'excédent de quotas en circulation suite aux phases précédentes sera progressivement absorbé grâce à la Réserve de stabilité du marché (RSM). Les mécanismes de flexibilité qui permettaient l'achat de crédits internationaux à la place des permis ETS ne seront plus autorisés a priori. Toutefois, cette réforme sera insuffisante si les fuites de carbone et les émissions importées ne sont pas prises en compte.

Le mécanisme d'ajustement aux frontières est nécessaire pour rendre efficace le marché carbone européen

L'Union européenne a fixé des objectifs environnementaux ambitieux pour les années à venir, et le respect des réglementations environnementales sera essentiel pour atteindre ces objectifs.

Les produits importés sur le marché de l'UE devront respecter ces réglementations pour pouvoir être commercialisés, et cela aura probablement un effet économique négatif sur les industries évoluant sur les marchés internationaux non soumis aux même règles.

Avec d'autres acteurs qui ne supportent pas ces coûts, le désavantage concurrentiel est susceptible d'augmenter lors de la période 2020-2030. Néanmoins, les avantages de la mise en conformité du marché intérieur et des produits importés avec les réglementations environnementales sont clairs. 

Les pays riches comme ceux de l'Union européenne sont des importateurs nets de carbone, mais n'ont pas d'emprise sur ces émissions, produites à l'étranger. L'ajustement carbone aux frontières est un mécanisme imposant un prix du carbone aux frontières européennes mis en avant par la France en 2009 et reproposé en 2014 par Édouard Martin. Une inclusion carbone consommateur (qui taxe le produit final consommé) aurait pesé sur les ménages plutôt que sur les producteurs.

Comment fonctionne la taxe carbone aux frontières ?

Les produits à taxer seront dans un premier temps uniquement les matières premières : acier, ciment, engrais, aluminium et électricité. Les entreprises importatrices devront se déclarer auprès des organismes nationaux et européens afin d'acheter des certificats carbone aux frontières MACF.

Chaque année, avant le 31 mai, les importateurs doivent déclarer leurs émissions totales pour l'année précédente. En fonction de leurs émissions, les importateurs devront présenter un nombre correspondant de certificats qu'ils devront acheter auprès des autorités nationales compétentes.

Cette taxe carbone est essentielle pour réduire le risque de fuite de carbone et aider l'UE à atteindre ses objectifs climatiques.

Quelles conséquences sur la comptabilité carbone des entreprises ?

L'Union pourrait relever son ambition en adoptant une comptabilité carbone rigoureuse qui reflète le contenu réel des importations.

Les entreprises présentes sur le marché ETS devraient se conformer à des règles strictes de comptabilisation du carbone et seraient soumises au contrôle d'organismes indépendants.

L'empreinte carbone d'une industrie électro-intensive est essentiellement le résultat des sources d'énergie utilisées pour la production d'électricité.

Une comptabilité établie sur l'empreinte carbone précise du produit encouragerait une réduction de l'utilisation des combustibles fossiles dans la production d'électricité des produits exportés. 

Les normes les plus polluantes des secteurs ne disposant pas d'une comptabilité carbone appropriée pourraient leur être attribuées. Afin de rendre cet ajustement frontalier plus acceptable, les recettes provenant de l'achat de quotas pourraient financer des projets de réduction des gaz à effet de serre dans les pays n'ayant pas cette responsabilité historique.

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