Actuellement, il existe plusieurs méthodes pour évaluer les émissions de CO2 d'un territoire ou d'une organisation, que ce soit pour un bilan réglementaire ou complet.
Deux normes ont gagné en popularité : la méthode Bilan Carbone ® développée par l'ADEME en France et le cadre proposé par le GHG Protocol à l'échelle internationale. Nous allons nous pencher sur la première méthode et l'étudier de manière plus approfondie.
Si vous souhaitez comprendre comment calculer votre bilan carbone d'entreprise et quelles sont les obligations de reporting, nous vous invitons à lire notre guide méthodologique.
Qu'est-ce que la méthode bilan carbone® ?
Avant la création de la méthode Bilan Carbone ®, les entreprises manquaient de directives claires pour évaluer leurs émissions de gaz à effet de serre et leur impact sur le climat.
Entre 2000 et 2003, une équipe dirigée par Jean Marc Jancovici a mis en place une méthode complète permettant d'estimer les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre pour toutes les activités industrielles et tertiaires, appelée "Bilan Carbone".
Cette méthode a été développée pour l'ADEME et la Mission Interministérielle pour l'Effet de Serre afin de donner aux entreprises un outil de mesure pour identifier leurs marges de manœuvre en matière de réduction d'émissions.
En 2004, le Bilan Carbone ® a été officiellement lancée et de plus en plus d'entreprises l'utilisent depuis. En 2011, l'ADEME a confié la gestion de la méthode à Association Bilan Carbone (ABC) pour en favoriser le développement et la diffusion.
Le bilan carbone de l'ADEME, aussi appelé bilan GES, est devenu un outil de référence pour mesurer son empreinte carbone pour une entreprise ou un établissement public.
Aujourd'hui, le bilan carbone tend à s'étendre. Les entreprises désireuses de bénécier du plan de relance devront par exemple soumettre un bilan carbone simplifié.
La méthodologie de l'ADEME
L'ADEME utilise un code de calcul pour évaluer les émissions de gaz à effet de serre en prenant en compte tous les gaz définis par le GIEC.
La méthode Bilan Carbone ® propose une évaluation globale des émissions, incluant les émissions directes (scope 1), indirectes liées à l'énergie (scope 2) et les émissions indirectes restantes (scope 3).
Le découpage par scope connaît des limites étant donné la prédominance du scope 3 pour la plupart des entreprises.
Les émissions sont mesurées sur la base de facteurs d'émissions physiques lorsque cela est possible, mais peuvent également être estimées en fonction du prix du produit ou du service lorsque les quantités ne sont pas connues.
Une estimation précise de l'empreinte carbone permettra de mieux identifier les actions à mettre en place pour réduire l'impact des émissions de GES
Quelles sont les étapes de réalisation d'un bilan carbone ?
Le bilan carbone de l'ADEME suit un enchaînement d'étape bien précis.
Identifier le pilote du projet et les contributeurs
Il est recommandé d'avoir une personne référente en interne qui pilote le projet. De préférence, cette personne a quelques notions sur le bilan carbone. Cela permettra de mieux appréhender la collecte de données et la mobilisation des contributeurs en interne. Celle-ci s'étend en effet à plusieurs départements de l'entreprise.
Les contributeurs sont les personnes en charge de récupérer les différentes informations nécessaires au bilan carbone d'une entreprise. Il peut s'agit du directeur des ressources humaines, de la comptabilité, du directeur de production, etc.
Définir le périmètre de l'étude et cartographier les flux
Après avoir déterminé les objectifs de la démarche Bilan Carbone, il est essentiel de définir le périmètre d'étude, qui dépend de plusieurs paramètres propres à l'entreprise tels que sa taille, son secteur et ses activités.
Il s'agit de trouver un juste équilibre entre un périmètre qui reflète la réalité de l'entreprise et ses objectifs, tout en étant suffisamment générique pour faciliter la correspondance avec les facteurs d'émissions de la Base Carbone.
Par exemple, les émissions prises en compte pour un magasin de bricolage diffèrent de celles d'une entreprise du secteur du bâtiment, ou d'une entreprise de services.
La cartographie des flux permet de définir ce périmètre et est une étape importante.
Cartographie des flux
Elle consiste à identifier, quantifier et localiser les sources d'émissions de gaz à effet de serre tout au long de la chaîne de valeur de l'entreprise, depuis l'extraction des matières premières jusqu'à la fin de vie des produits ou services vendus.
Cette cartographie permet de visualiser les différents flux de l'entreprise, tels que les achats, la production, la distribution, l'utilisation et la fin de vie, et d'identifier les postes d'émissions les plus importants.
Elle permet également de mettre en évidence les liens entre les différents postes d'émissions et d'identifier les opportunités d'actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Périmètre organisationnel, temporel et opérationnel
Une fois la cartographie des flux réalisée, il est important de définir les périmètres organisationnel, opérationnel et temporel pour la mission de Bilan Carbone.
Le périmètre temporel détermine la durée et la fréquence de la mission. En France, la loi oblige les entreprises à réaliser leur bilan carbone tous les 4 ans, mais il est recommandé de le faire annuellement.
Le périmètre organisationnel est souvent le plus complexe à définir, surtout lorsqu'il y a des participations dans d'autres entreprises.
Il existe deux principaux obstacles lors de la définition du périmètre organisationnel : la longueur de la chaîne de valeur et la diversification des activités de l'entreprise selon le secteur.
En effet, il peut être difficile de faire le bilan complet d'une entreprise qui sous-traite à une entreprise tierce, ou d'une banque qui a des activités diversifiées.
Dans ces cas-là, il est possible de choisir entre deux options : un périmètre proportionnel à la part du capital ou un périmètre prenant uniquement en compte les installations financées ou sous contrôle direct de l'organisation.
Par défaut, le périmètre organisationnel "contrôle opérationnel" doit être utilisé, sauf si cela est justifié.
Par exemple, un fonds d'investissement qui possède des parts dans une start-up peut justifier de limiter le périmètre à la part du capital.
Collecter les données
La méthode Bilan Carbone® nécessite la collecte de données d'activité de l'organisation ainsi que les facteurs d'émission correspondants pour convertir ces données en tonnes de CO2 équivalent.
Cette collecte de données est une étape essentielle qui demande du temps et de la rigueur. Il est donc recommandé de ne pas effectuer cette tâche seul et de faire participer les différents services de l'organisation.
Il est également important de documenter et d'archiver les données collectées pour faciliter le renouvellement du bilan carbone dans le futur.
Après la collecte des données, il est utile de faire un point de mi-parcours et de sensibiliser continuellement les référents de chaque service.
Enfin, pour aller plus loin, il est possible de mettre en place un processus de collecte périodique de données d'activité, d'enrichir la cartographie de flux avec les nouvelles données, et d'évaluer les risques et les opportunités liés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le plus gros du travail concerne cette collecte de données.
Plusieurs logiciels permettent de gagner en productivité sur cette partie. Orki permet notamment d'automatiser une partie de la collecte des données, d'inviter les collaborateurs et les fournisseurs sur la plateforme pour remplir certaines données.
Pour quantifier une émission, on utilise ensuite des facteurs d'émissions que l'on multiplie aux données d'activité collectées.
Définir un plan d'action
Un plan d'action consiste en une série de recommandations pour l'équipe technique, cohérentes avec les objectifs de l'organisation, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Les postes d'émissions les plus carbonés sont identifiés pour concentrer les efforts.
Pour chaque action, un porteur est désigné, des indicateurs de suivi et de résultat sont définis, ainsi que le budget, le calendrier, les détails de la mission et les freins à anticiper.
Lors du renouvellement du bilan carbone, les indicateurs de suivi sont mis à jour et l'évolution potentielle est analysée.
La vision de transition bas-carbone est actualisée en s'appuyant sur l'évolution des risques et des opportunités identifiés.
Une analyse de la période entre les deux exercices est réalisée pour apporter des modifications au plan d'actions en cours si nécessaire.
Ce processus peut être amélioré en mettant en place une collecte périodique de données et en évaluant les risques et opportunités liés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Communiquer sur votre bilan carbone
Il est important de communiquer les résultats du bilan carbone en interne et en externe pour renforcer l'image et la réputation de l'entreprise et favoriser l'engagement des employés dans le projet.
Cependant, il est essentiel de rester transparent et éviter de tomber dans le greenwashing en présentant des mesures précises et quantifiables accompagnées de résultats chiffrés.
Même en cas de résultats décevants, il est recommandé de partager le bilan carbone pour engager l'entreprise dans une démarche de réduction des émissions de gaz à effet de serre et suivre en temps réel les émissions.
La publication des bilans GES n'est pas une obligation pour toutes les entreprises ou collectivités. Cependant, l'ADEME met en ligne l'ensemble des bilans GES publiés. Ces bilans GES sont également consultable sur Wearegreen.
D'autres outils sont mis à disposition des entreprises, comme des simulateurs qui permettent par exemple de simuler la résilience de l'entreprise en cas de mise en application d'une taxe carbone ou d'une hausse drastique des cours du pétrole.
Les limites de la méthode Bilan Carbone ®
La méthode Bilan Carbone ® présente des avantages tels que la crédibilité et la fiabilité du bilan carbone pour l'entreprise, conformément à la loi, ainsi qu'un accès facile à la base carbone de l'ADEME.
Cependant, étudiée à l'échelle d'une entreprise, cette méthode présente des limites telles que l'imprécision des émissions indirectes, liée à l'absence de données sur les parties prenantes. Les entreprises sont donc amenées à improviser en utilisant des moyennes d'émissions du secteur ou des facteurs d'émissions monétaires.
De plus, la méthode Bilan Carbone ® ne prend pas en compte les émissions de gaz à effet de serre évitées ou la contribution positive de certains produits. Pour pallier ces limites, il est possible de coupler la méthode du bilan carbone avec l'analyse de cycle de vie d'un produit (ACV) pour comparer deux produits.
Utiliser une plateforme SaaS
En France, il existe plusieurs logiciels Bilan Carbone qui s'inspirent de la méthode Bilan Carbone ® et s'adaptent aux besoins et budgets de toutes les entreprises. Par exemple, Orki est un logiciel qui permet de calculer les émissions directes et indirectes liées à l'activité de l'entreprise en se basant sur la méthode de l'ADEME, le GHG Protocol et la norme ISO 14064. Ce type d'outil est de plus en plus accessible pour les entreprises de toutes tailles.